Premier Magistrat d'une commune audoise de 6000 habitants, Coursan, Edouard Rocher a l'humilité de ceux qui savent la réalité et l'impermanence des 'choses'. Etre élu, aujourd'hui comme hier, c’est à la fois gérer le quotidien, les dossiers, les projets... Et aussi innover, inventer de nouvelles voies. vague(s) a eu le plaisir d’échanger un instant avec ce jeune maire élu en 2014. Pour se consacrer à sa fonction et honorer ainsi la mise en oeuvre de son programme, il a volontairement placé ses deux sociétés en sommeil. Un temps qu’il offre désormais à la gestion de sa cité, où il vit avec sa famille. Cet actif quadragénaire, qui fut formé un temps dans une grande école de commerce, est guidé par une vision politique très claire. Fidèle à ce qu’il est, il pose chacun de ses actes avec lucidité. A Coursan, lui et son équipe mettent en place des actions inédites qui honorent l'humain... Un pumptrack, dédié à la pratique du sport de glisse urbain, - le plus important d’Occitanie avec un parcours de 600 m pour roller, skate, trottinette -, des cours Zen de méditation et de yoga, des dons de poules pondeuses, des portraits photo des habitants exposés lors d’une installation dans le parc… Tout cela pour recréer du lien dans la ville et que chacun puisse s'y sentir bien vivre. INNERVIEW.
vague(s) : Ce que vous mettez en place à Coursan n’est pas très courant : beaucoup d’actions autour de la proximité, du lien… Comment vous viennent toutes ces idées ? Étaient-elles définies dans votre programme ?
Edouard Rocher : J’ai un fil conducteur… L’important, c’est que les gens se rencontrent autour de projets, que ce soit des projets de concertation, des projets culturels, ou tout simplement des projets d’animation. Il était reproché à la commune de Coursan de n'être qu'une ville dortoir. Et de ce côté-là, avec l'équipe municipale, nous avons fait un effort considérable pour créer ou recréer du lien et favoriser une réelle proximité. A chaque fois que l’on fait quelque chose, on pense à la manière d'y associer les habitants. La question étant de savoir comment nous pouvons intervenir pour faire de Coursan une ville plus agréable.
vague(s) : La ville pensée comme un espace de vie dédié à l’humain ?
Edouard Rocher : On fait beaucoup de choses actuellement pour le cœur de ville : un programme notamment concernant la circulation à vélo, des animations spécifiques pour le commerce... Je pense que l’intérêt de vivre dans un village, c’est la proximité. On ne met pas seulement en œuvre des infrastructures, mais aussi du lien humain. Moi, c’est ce qui m’intéresse… On dit qu’il y a des maires qui sont davantage des maires de dossier, d’autres de proximité, etc… Ce que j’aime, et qui me fait me mouvoir, c’est vraiment le contact avec les gens.
vague(s) : C’est votre moteur, l’humain ? Mais peut-on répondre aux besoins de tous les habitants ?
Edouard Rocher : On essaie de répondre plutôt à la demande collective, telle qu’on la perçoit. Et c’est une demande de lien. A travers des actions qui sont autant de petites portes d’entrée…
vague(s) : Des ouvertures à d’autres modes de vie ? Comme l'opération des dons de poules ou les séances de méditation et de yoga au bord de l’étang entre autres ?
Edouard Rocher : Avec les élus municipaux, nous nous renseignons beaucoup sur ce qui se fait ailleurs et on ne s’interdit rien, que ce soit des projets menés sur des grandes villes connectées ou dans des petits villages. On regarde si cela fonctionne et on se demande si cela peut aussi marcher ici, à Coursan.
« Ce qui m'intéresse, c'est le lien humain et
ce qui me fait me mouvoir,
c'est vraiment le contact avec les gens »
vague(s) : Vous semblez être un précurseur ?
Edouard Rocher : Précurseur, je ne sais pas, car on prend appui sur ce qui a déjà été expérimenté ailleurs. On essaie de toucher le plus grand nombre, à travers des opérations adaptées. Les personnes qui viennent au Festival de Bandas ne sont pas celles qui viennent à la matinée Zen ; celles qui choisissent d’acquérir des poules ou celles qui vont faire un portrait ne sont pas les mêmes… Mais cela permet de toutes les rencontrer à un moment.
vague(s) : Une perspective moderne, et 'marketing' de la fonction de l’élu ? Vous rendez vos services à la population en fonction de ses besoins et de ce qu’ils sont ?
Edouard Rocher : Je ne sais pas si c’est une vision marketing. Je me dis que l’on doit gérer à la fois le plus grand nombre et l’intérêt collectif. J’aimerais en une année pouvoir à peu près rencontrer tous les Coursanais. Et ne pas m'adresser qu'à une seule tranche de la population.
vague(s) : Vous êtes un jeune maire : quelles ont été vos motivations à le devenir ?
Edouard Rocher : Je faisais déjà partie du conseil municipal précédent, et je n’avais pas les mêmes vues sur les choses. J’ai donc décidé de me présenter. Je me suis toujours intéressé à la vie collective et à la politique. Étudiant, j’étais engagé dans les syndicats, et jeune actif, dans les délégations de parents d’élèves. On s’aperçoit que pour faire bouger les lignes de l’intérieur, c’est pas mal d’être maire… Je me repose régulièrement la question de l’engagement. La Mairie, c’est un mandat, une mission qui m’a été confiée, juste temporaire, ce n’est pas mon travail. Et je me dis simplement : rappelle-toi ce que tu fais à cet endroit là !
vague(s) : Comment gérez-vous votre exposition en tant que personnage public ?
Edouard Rocher : Quand on est élu, on est plus ou moins jugé. On est très visible. Cela a un côté valorisant d’être reconnu. Mais parfois, disparaître aussi sans être Monsieur le Maire, c’est bien aussi. On essaie de laisser glisser sur soi les critiques négatives. On apprend à rester sensible, car pour être dans l’empathie, il y a nécessité à être dans l’émotion. Et dans l’écoute.
vague(s) : Et vous arrive-t-il dans votre fonction de Maire, de prendre les choses personnellement ?
Edouard Rocher : La fonction de Maire est très chronophage. On donne beaucoup. C'est un engagement, et beaucoup de temps. On ne parle pas de sacrifice, parce qu'on l'a choisi. Si les administrés ne vous font pas confiance et veulent changer d'élu en cours de mandat, cela peut être très violent à vivre. On a l'impression d'être jugé, soi et non son action. Comme un artiste peintre, ou un chanteur, qui aurait la sensation que c'est lui qu'on rejette alors que c'est juste son oeuvre... Je pense qu'il ne faut pas se nourrir uniquement de la vie publique, ne pas s'y identifier. Au risque que cela devienne l'alpha et l'omega... J'essaie toujours de garder de la fraîcheur. Je me dis que cela peut s'arrêter.
« Il est agréable de travailler seul. Mais à plusieurs, cela oblige
à sortir de sa zone de confort et à réfléchir différemment »
vague(s) : Gérer la cité demande un certain recul ?
Edouard Rocher : J'ai la chance de baigner dans un environnement familial qui me prodigue des conseils bienveillants... que j'écoute. Ce sont mes conseillers de communication ! Dans la fonction de Maire, il est important d'être entouré de personnes qui peuvent avoir la liberté de dire les choses. C'est le Maire qui est responsable des personnes qui l'entourent et des modes de communication qu'il impulse autour de lui. On peut avoir des avis divergents sur un sujet. Cela nécessite d’accueillir la critique. Et de la patience pour faire avancer les projets. La tendance 'naturelle' est aux prises de décision rapides et 'mono-centrées'. La concertation est certes plus longue, mais elle permet de faire émerger d'autres idées, et impliquer tout le monde dans un projet. Il suffit de s'y habituer et de décaler les agendas, car la concertation demande du temps.
vague(s) : Cela requiert une certaine gymnastique ?
Edouard Rocher : Oui, et aussi admettre que l'idée que je porte n'est pas forcément la bonne, qu'une autre va émerger, meilleure... C'est aussi de la co-construction. Même si en tant que Premier Magistrat, il est des sujets sur lesquels je ne transigerai pas. C'est une vision politique, ma vision politique en tant que chef de file.
vague(s) : Il existe des dossiers qui vous préoccupent plus que d'autres, qui vous empêchent de dormir ?
Edouard Rocher : Cela arrive. Ce qui angoisse, surtout, c'est quand on ne maîtrise pas un dossier sur le plan technique, ou quand on n'est pas sûr à 100% de ses décisions, en amont... Quand j'ai tranché, - et collectivement tranché - je ne suis plus du tout anxieux. Je considère que la décision a été prise, que toutes les caractéristiques du projet en cours ont été prises en compte. On a fait le nécessaire.
vague(s) : Tout au long de l'année, vous avez ponctué la vie de la commune avec des événements qui permettent aux habitants de se rencontrer. Vous avez innové également avec des installations dédiées au sport et à la détente. C'est important pour vous ?
Edouard Rocher : Oui, je suis persuadé que le bien-être est un des enjeux de demain. Pour moi, c'est la capacité à bâtir tout ce qui est lié au sport, à la détente, à la marche, aux relations à l’autre, à la manière aussi dont on doit se poser, ouvrir un bouquin... et réfléchir aussi à ce que l’on est, à soi.
« En Inde, on est un peu visible et on est un peu invisible »
vague(s) : Vous avez proposé cet été aux habitants de Coursan une matinée Zen, avec méditation et yoga au bord de l'étang... Vous pratiquez le yoga ?
Edouard Rocher : Je pratique plutôt les sports nautiques, le kite, la planche à voile... et un peu la randonnée. Dans l'effort, on est face à soi. C'est en partant l'an dernier dans le Kerala en Inde avec mon épouse que j'ai pu découvrir le yoga, à travers quelques séances. Cela fait partie des voyages qui m'ont le plus marqué... En Inde, on est un peu visible, et on est un peu invisible.
vague(s) : Le Bonheur... Êtes-vous heureux de ce que vous vivez ?
Edouard Rocher : Je suis grandement heureux, oui. Je suis même un "angoissé du bonheur". Et je suis très attentif. A la fois à en profiter et à le cultiver. J'ai parfois peur que ce bonheur s'arrête. En tant que Maire, je rencontre des personnes dont le parcours de vie oblige à une vraie humilité...
Écrire commentaire