On peut dire qu'Olivier revient de loin. A croire que la Vie en jouant cette farce burlesque voulait faire de lui un nouvel homme. Victime d'un AVC le 23 avril 2014, Olivier Faure , - illustrateur et raconteur d'histoires comme il se définit - porte désormais un nouveau regard sur les choses qui l'entourent. Il a eu le temps de réapprendre à vivre, apprivoiser son corps, lui dont les jambes ne le portaient plus fût un temps. Auréolé d'une nouvelle force, il a repris sa trajectoire. A travers les ateliers mangas qu'il anime dans l'Aude, et son métier d'illustrateur qui le pousse à aller encore plus loin dans son art du dessin. Olivier Faure, c'est aussi Auleeve, son nom d'artiste, un féru de manga, qui transmet cet art japonais aux symboles graphiques identifiables. Cette année 2019, c'est l'année de l'épanouissement : il renoue avec la bande dessinée historique, en participant aux albums collectifs sur les villes "Toulouse en BD" et "Strasbourg en BD", sortis en octobre et novembre aux Editions Petit à Petit. Tout un symbole. Petit à petit, l'homme s'est remis debout. A vague(s), on aime profondément l'univers, la sensibilité, le crayonné précis et savant de cet auteur. Rencontre avec Olivier Faure, un homme au talent discret et à la subtile pudeur.
vague(s) : Avec la sortie de cet album historique Toulouse, auquel vous avez participé en créant de très belles planches, vous êtes plutôt un homme heureux en ce moment ?
Olivier Faure : Oui, je me sens à l'aise à tous les niveaux de ma vie. Dans mon activité professionnelle, je parviens à un certain accomplissement. Ce que j'attendais depuis longtemps se met en place. C'est là, je suis dans la satisfaction. A ma place. Parvenu à un point dans ma vie où je me sens en paix avec mon passé. Le présent est là, avec son rythme, il est ce qu'il est. Je continue à avancer et à me projeter dans de futurs projets. Ce qui n'a pas toujours été le cas après cet accident de vie que j'ai vécu, un AVC... Je ne voyais pas ce que je pouvais faire plus tard. Dans le contexte de "faire avec la maladie".
vague(s) : Il y a donc eu un avant et un après AVC ?
Olivier Faure : Oui, en un instant, toute une vie bascule. Le corps lâche. J'ai senti l'AVC venir quelques temps avant. J'ai eu des signes du corps, senti des fluctuations sanguines venant du cerveau. Un AVC, c'est très brutal, c'est un choc. Tout explose .J'ai senti la veine qui explosait dans mon cerveau, et je me suis dit, si je tombe, je dois trouver la force de me relever. Intérieurement, avant que cela ne se produise, j'ai pensé que je voulais surtout garder l'usage de ma main gauche, - je suis gaucher -. Je voulais continuer à utiliser ma main gauche, c'est mon outil de travail pour dessiner. Étonnamment, le bras gauche a été atteint, mais ma main bougeait encore... A ce moment-là, j'étais seul. Puis, c'est la jambe gauche qui m'a lâché, c'était progressif. J'ai compris de suite ce qui m'arrivait : un AVC. Quelques jours avant, j'avais vu des émissions sur le sujet. Et y a eu cette Force pénétrante et d'une grande douceur qui m'a sommé de continuer à vivre... Puis le Samu, l'hospitalisation d'une semaine en unité de soins intensifs à Perpignan et le centre de rééducation à Port-la-Nouvelle, où j'ai réappris à marcher, à me déplacer dans l'espace, à saisir les objets. J'ai un autre regard sur les personnes handicapées depuis que j'ai passé 4 à 5 mois dans un fauteuil roulant.
vague(s) : Les projets en cours se sont arrêtés alors ? il vous a fallu cesser de travailler quelque temps ?
Olivier Faure : Je n'ai pas pu assurer les ateliers Mangas mais j'ai eu de la chance de pouvoir faire patienter mes partenaires sur d'autres contrats. J'ai rencontré des gens compréhensifs. Puis, j'ai vite repris les ateliers, même si c'était délicat car j'avais du mal à me concentrer. C'était difficile aussi pour moi d'entendre plusieurs personnes parler en même temps, les sons étant amplifiés.
« Un roman graphique plutôt qu'une Bande Dessinée »
vague(s) : Vous évoquiez l'écriture d'un roman graphique sur l'AVC suite à cette expérience... Où en êtes-vous de ce projet ?
Olivier Faure : C'est un projet qui est à l'état d'écriture. J'écris le scénario entre deux contrats. Je veux du spontané. J'ai davantage envie d'un roman graphique que d'une bande dessinée, pour aller au-delà des codes du genre. Je prends le temps. C'est un projet qui me tient à cœur, je le conçois comme un message d'espoir pour tous ceux qui auraient été confrontés à un tel accident de vie.
Le dessin, une vocation qui vient de loin
vague(s) : Très tôt, vous avez eu l'envie de dessiner ?
Olivier Faure : Dès l'âge de 6 ans, je voulais être dessinateur. Et plus encore, lorsque j'ai découvert Hergé et l'album "Tintin et l'oreille cassée". D'autres livres m'ont également influencé ainsi que les émissions de TV que je regardais, enfant, et où je voyais des personnes dessiner, tel que le génial dessinateur de presse Cabu par exemple... Cela me fascinait, c'était cela que je voulais faire comme métier. C'est venu tôt. Et puis, mon frère qui était plus âgé que moi, venait souvent me lire des histoires. Et ne sachant pas encore lire, j'essayais moi aussi d'inventer des histoires. C'est en voyant mon frère dessiner que j'ai eu aussi envie de dessiner. J'ai quitté Gap, où j'ai vécu toute mon enfance et mon adolescence, pour une école préparatoire à Digne, l'Ecole Municipale des Beaux Arts puis j'ai intégré l'Ecole des Beaux-Arts et Arts Appliqués liés à l'Impression d’Épinal, dans les Vosges.
vague(s) : Et aujourd'hui ?
Olivier Faure : Je viens de participer à deux albums collectifs avec les éditions "Petit à Petit". Deux bandes dessinées historiques, "Toulouse en BD" et "Strasbourg en BD", deux albums qui sont sortis en librairie en octobre et novembre. Pour chaque ouvrage, j'ai réalisé un chapitre de 5 à 7 planches. Une façon pour moi de renouer avec la bande dessinée historique que j'affectionne particulièrement. Pour la sortie de l'album "Toulouse Tome 1, De Tolosa au pays de Cocagne", nous avons participé à Narbonne aux "Rencontres d'Archéologie de la Narbonnaise" avec Béatrice Merdrignac, l'auteure et Gaëtan Petit, l'éditeur.
Je prépare également en ce moment l'illustration d'un livre pour enfants, "La princesse pue des pieds", sur une idée de Bruno Rodriguez et l'auteur du livre Mano Defrance. Et puis, je poursuis l'animation des ateliers Manga, et donne quelques heures de cours dorénavant à l'Ecole d'Arts Plastiques du Grand Narbonne.
vague(s) : Et d'où vous vient cette fascination pour le Manga ?
Olivier Faure : De la culture japonaise que j'adore. C'est aussi le fruit de mon enfance, "nourrie" de dessins animés japonais. Je suis très attiré par l'esthétique asiatique, la peinture chinoise, le mode de vie... Et puis, mon travail me ramène à l'enfance. Je crois que je suis un enfant dans ma tête, j'ai conservé ce côté un peu naïf... L'AVC m'a ramené brutalement dans une réalité, avec cette sensation d'avoir finalement vécu 25 ans dans une bulle... Aujourd'hui, je suis beaucoup plus structuré et organisé. Je ne me force pas à faire les choses, elles se font de manière immédiate, et cela peut être redoutable....
« Depuis ce moment, j'écoute le battement de mon cœur »
A vague(s), on ne peut s'empêcher de lire et relire les mots de la planche d'Olivier Faure, ceux qu'il avait rédigés pour la rubrique "L'Instant BD " du premier numéro de vague(s).
« Comme vous, j'ai inévitablement marché le long des chemins, cherché de nombreuses voies, emprunté de multiples issues, mais en cours de route, je me suis souvent perdu... Quelque chose m'appelait au lointain, une musique, un songe homérique...
A bout de force, épuisé, j'ai posé mon oreille contre le sol. le silence s'est alors imposé comme une sentence prononcée...
Corps inerte qui attend son heure ou qui recherche la force d'un souffle comme un nouveau-né ? Viennent alors les balbutiements de cette vie que je recherchais. La Vérité était là...
J'avais couru après des chimères pendant des années, des lieux, alors que ce que je cherchais était en moi, dans cet organisme frileux. Se réconcilier avec soi-même, pour être enfin posé et heureux ?
Depuis ce moment, j'écoute le battement de mon cœur.
Et s'il me parle aussi clairement aujourd'hui en te voyant, je sais que je suis sur la bonne voie avec toi, ô instant présent.
Debout, ancré dans ma réalité, celle d'un corps meurtri par un AVC...
Je savoure chaque heure, ce doux parfum éloquent de liberté et de rigueur...
Au milieu des incertitudes qui donnent à ma vie cette si subtile saveur ».
Commander l'album Toulouse sur le site des Editions Petit à Petit : petitapetit.fr
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