Septembre 2017 : cet ancien clerc de notaire reprend les vignes de son beau-père, viticulteur à Saint-Pierre-des-Champs. Un virage à 360 degrés que Julien Balluais n’est pas prêt de regretter, troquant ainsi dix années d’un travail devenu au fil du temps “claustrophobique” pour une vie désormais au plus près de la terre. Première vendange en 2018 pour le vigneron qui ambitionne de produire un vin naturel. Les vignes des Garafots sont certifiés Nature et Progrès. Un vin à goûter en 2020. Patience, patience....
vague(s) : Quel est l’impact de ce nouveau travail sur votre corps ?
Julien Balluais : Le côté "claustrophobique" de mon ancien travail a laissé place à un grand bien-être physique : je fais attention à mon corps pour tous les travaux de la vigne. Je me tiens droit mais sans tension. Pour aider mon corps à adopter les bonnes postures, je commence ma journée par dix minutes de yoga. Ce qui n’a pas empêché de me bloquer le dos, mais rien d'alarmant pour ma kinésithérapeute : je passe d'un travail de bureau à un travail de sportif ! Le corps développe les muscles qu'il faut, un peu trop rapidement. Donc, il réagit par des contractions musculaires. J'apprends à être encore plus attentif à mes mouvements.
vague(s) : Vous sentez-vous maître de votre temps ou de votre espace ? Julien Balluais : Par rapport à mon ancien métier, je travaille cinq heures de moins par semaine. Les cinq heures qu'il me manquait pour avoir une vie de famille plus souple et plus heureuse. Etant mon propre patron, je fais très attention à rester clairvoyant sur la réalité de mes heures travaillées car il est facile de se leurrer : la paresse est humaine. Je sais la chance que j'ai d’avoir un métier qui me plaît. Je ne veux pas tout gâcher en ne travaillant pas assez. De plus, mon cadre de travail est idyllique, surtout l'été. Comment avez-vous fait la connaissance de la terre ? Julien Balluais : Je suis au début de ma carrière de vigneron. J'espère développer cette connaissance : la terre est le lieu de vie des racines de la vigne. Plus ces racines se développent en profondeur, meilleur est le vin. Concrètement, cette année, j'ai commencé à connaître cette terre en piochant longtemps pour enlever les arbustes et autres concurrents de la vigne. J'ai aussi effectué une analyse des sols pour connaître les éléments dont ma vigne disposait sur cette terre.
vague(s) : Percevez-vous différemment la nature : ses cycles, le temps qu’il fait ? Comment vous adaptez-vous à un jour de pluie quand le soleil est attendu et vice versa ?
Julien Balluais : J'ai surtout été frappé par l'enchaînement des saisons et l'harmonie de celles-ci avec le développement de la vigne : l'hiver et sa gravité pour les racines, le printemps avec sa lumière et sa pluie pour le développement des bourgeons, l'été avec la chaleur pour les raisins, l'automne... Et bien, je ne suis pas encore allé dans les vignes à cette saison !!!! Entre tout cela, je suis là pour accompagner la vigne durant ces saisons : taille, lutte contre les champignons, rattache des sarments contre la casse lié au vent, travail de mon sol… Et en cas de trop fortes pluies, je me réfugie dans ma cave de vinification où il y a toujours un travail à réaliser en attendant ma première vendange en septembre.
vague(s) : Pour quel choix de culture avez-vous opté ? Biodynamique, biologique, conventionnelle ? Avec l’almanach ?
Julien Balluais : Je travaille mes terres de façon bio mais je n'ai pas encore de label . Plus que le bio, j'espère obtenir la mention “Nature et Progrès”, historiquement, le premier “label” bio avant que le commerce ne s'en empare.“Nature et Progrès”développe en plus une approche d'entraide entre paysans, une approche environnementale qui prend en compte le circuit local, et une approche humaniste. Concernant la vinification, leur cahier des charges est aussi plus drastique que d'autres labels bio, notamment avec le plus faible seuil de souffre autorisé dans le vin. Mes vignes sont maigrichonnes, je ne les booste pas avec des engrais et de l'irrigation. Je perds beaucoup en volume mais l'avantage est que le raisin y est sain. Ce qui est très important pour moi car j'espère faire du vin naturel. Et sans un raisin sain, ce n'est pas possible. Il faut alors chercher des solutions ailleurs que dans le raisin pour qu'il puisse se métamorphoser en vin, ce qui ne m'intéresse pas.
vague(s) : Votre vie sociale est-elle affectée par votre nouveau choix de vie ?
Julien Balluais : Mon nouveau travail me rend heureux. Forcément, cela rejaillit sur les autres. Concrètement, je suis beaucoup moins chiant à la maison depuis que j'ai changé de travail.
vague(s) : Savez-vous déchiffrer (même un peu) le “Livre de la nature” ? Comment comprenez-vous cette expression ?
Julien Balluais : J'apprends à lire le Livre de la nature en étant concentré sur mon corps durant mon travail. Ce qui me permet de lâcher un peu le flot permanent de pensées assez souvent inutile et fatigant que je peux avoir. Quinze minutes de méditation au lever m'aident à trouver cette concentration durant la journée. Dans la vigne aussi, le “Livre de la nature” m'enseigne des choses : je ne suis pas tout puissant. C'est la nature qui fait la grosse partie du boulot, ou qui détruira peut-être mes espoirs des vendanges. Alors, cela ne sert pas à grand-chose de s'inquiéter.
vague(s) : Pouvez-vous nous dire si votre activité permet un développement différent de votre esprit ? Comme l’appréhension des problèmes du monde, le niveau d’anxiété, de joie, ou d’émerveillement…
Julien Balluais : Je relativise davantage : le voyage est inconnu, avec des hauts et des bas que je ne peux pas trop maîtriser. J'ai établi mon cap, maintenant il me faut essayer de rester dans le présent pour ne pas trop m'inquiéter du futur. Ce serait dommage de me gâcher la chance que j'ai.
vague(s) : Comment comprenez-vous ce lieu qu’est notre planète terre ?
Julien Balluais : Je sais juste que l'on est sur terre, qu'il faut faire avec, et que cela peut devenir très beau. J'espère m'orienter vers la bio-dynamie car la connaissance du système astral, des énergies, qui gouvernent la terre, me paraît être une voie beaucoup plus raisonnable qu'une croyance en une toute puissance scientifique matérialiste qui tue nos sols et pollue notre air.
vague(s) : Comment résumeriez-vous la notion de bien-être ? Synonyme de confort, de bonheur, de labeur ?
Julien Balluais : C’est dur à définir car le bien-être se ressent, bien plus qu'il ne se pense. On a chacun nos rythmes, c'est à chacun de trouver le sien, et cela passe par l'attention et la douceur. Ce sont cette attention et cette douceur qui m'ont amené à changer radicalement de profession, après trois ans de maturation de mon projet.
Julien Balluais | Les Garafots
2, chemin du Pech Saint-Martin
Saint-Pierre des Champs
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Annie (samedi, 19 décembre 2020 01:02)
Nous venons de découvrir. Merci.